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Entre plans sociaux, annonces de rachats d’entreprises par des capitaux étrangers et résultats de l’élection présidentielle américaine, les questionnements sur l’autonomie stratégique de la France et de l’Europe sont relancés.
Membre de la Commission des Affaires étrangères et de la Commission des Affaires européennes de l’Assemblée nationale, Michèle Tabarot, Députée des Alpes-Maritimes, partage sa conviction que nous sommes à la croisée des chemins entre réarmement stratégique ou risque d’accélération du déclin.
Dans des rapports d’informations récents sur les relations entre la France et l’Afrique, les coopérations stratégiques et les industries européennes de défense, elle rappelle les atouts de notre pays et du vieux continent, mais regrette qu’ils ne soient pas assez mis au service d’une stratégie d’influence assumée pour la défense des intérêts de la France et de l’Europe.
Entretien avec Michèle TABAROT
Depuis l’élection américaine, les appels à renforcer notre autonomie stratégique se multiplient. Pensez-vous également qu’il y a désormais urgence ?
L’urgence ne date pas de novembre dernier. Depuis des années, nous sommes nombreux à alerter sur nos dépendances stratégiques.
Que ce soit après la pandémie, face l’inflation ou avec la guerre en Ukraine, nous entendons de grands discours mais les actes ne suivent pas. Pendant ce temps, nos compétiteurs stratégiques ont su défendre leurs intérêts parfois à nos dépends.
Bien sûr, il y a les tensions avec la Chine mais rappelons-nous aussi que l’administration Biden n’a pas épargné la France et l’Europe, avec par exemple l’accord AUKUS et les sous-marins australiens ou l’Inflation Reduction Act. À chaque fois, nos réponses ont été très insuffisantes.
Justement, que doit faire l’Europe pour réduire ses dépendances ?
Il y a une prise de conscience que les relations internationales sont en pleine mutation et qu’il faut s’y adapter.
L’Europe doit porter un véritable plan de réindustrialisation stratégique bien plus puissant que le plan industriel du pacte vert qui n’est pas à la hauteur. Nous devons aussi passer d’une logique de compétition entre les états membres à une logique de coopérations entre pays. Le modèle de la Coopération Structurée Permanente dans le domaine militaire peut servir de modèle. Nous devons créer de nouvelles coopérations industrielles au profit de l’Europe et de ses états membres.
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nous devons aussi encourager l’investissement français sinon nous risquons de devenir trop dépendants des capitaux étrangers, comme c’est déjà le cas sur notre dette. | ![]() |
Vous venez d’évoquer les questions de défense, elles sont évidemment au cœur de l’autonomie stratégique. Notre BITD est-elle aujourd’hui à la hauteur de nos besoins ?
La BITD française, c’est plus de 4 000 entreprises et 200 000 emplois. C’est aussi un atout pour la France parce qu’elle est un élément central de la préservation de notre souveraineté. Pour autant, là aussi nous avons besoin de développer de nouvelles coopérations européennes pour préparer l’avenir.
Les égoïsmes nationaux doivent laisser la place à une vision européenne et commune de notre défense. Il est urgent de renforcer le pilier européen au sein de l’OTAN comme la France s’y montre déterminée avec la LPM.
Parlons de la France. Elle demeure un pays attractif et reste championne d’Europe des investissements directs étrangers. N’est-ce pas le signe que la réindustrialisation de notre pays est en cours ?
Cela nous rappelle que notre pays a des atouts considérables avec sa stabilité, sa localisation, ses infrastructures...
Dans le même temps, nous devons aussi encourager l’investissement français sinon nous risquons de devenir trop dépendants des capitaux étrangers, comme c’est déjà le cas sur notre dette.
Le soutien aux entreprises et à leur compétitivité est bien entendu impératif malgré un contexte budgétaire très dégradé.
Dans le rapport d’information sur les relations France-Afrique, vous regrettez que notre stratégie d’influence ne soutienne pas assez nos acteurs économiques. Comment améliorer les choses ?
Dans ce domaine aussi la France a des atouts pour servir sa stratégie d’influence entre l’audiovisuel extérieur, le réseau diplomatique ou le niveau d’aide publique au développement.
Mais, je regrette que ce « soft power » ne soit pas plus efficace dans la défense de nos intérêts, notamment économiques.
Nous avons perdu la connaissance du terrain en passant de 10 000 coopérants dans les années 90 à moins de 1 000 aujourd’hui. Redonnons à notre diplomatie les moyens d’une action efficace !
Nos ambassades doivent avoir un rôle central avec plus de moyens pour soutenir des projets et aussi une mission de coordination de nos acteurs d’influence aujourd’hui dispersés.
Nous devons aussi nous tourner vers les pays d’Afrique anglophones et lusophones. De nouveaux partenariats s’y développent et sont porteurs de beaucoup de promesses.
À nous de mettre en place une stratégie d’influence adaptée au 21e siècle.